Le camp de concentration de Gurs :Cecilio Arregui

un creuset pour continuer la lutte 

contre le fascisme

La geste de Cecilio ARREGUI,

chef du « camp basque » de Gurs 

( ... « Guernika txiki » ... )

Intervention d’Henri Farreny, en représentation de

Narcis Falguera président de

l’Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France

(Forces Françaises de l’Intérieur)

 

Mesdames, Messieurs, Chers Amis d’Euzkadi, d’Espagne et de France

            Nous remercions chaleureusement le gouvernement basque pour cette très pertinente cérémonie d’aujourd’hui. Elle renforce notre volonté collective de contribuer à découvrir et faire connaître l’histoire des défenseurs de la IIe République Espagnole enfermés ici, à Gurs, à partir d’avril 1939.

            Oui il faut reconstituer et rendre publique l’histoire des combattants républicains des différents camps qui composaient Gurs : le « camp basque », le « camp des aviateurs », les autres camps d’Espagnols et d’internationaux. Leur histoire complète, avant Gurs, à Gurs et après Gurs. Pour remplir cette noble tâche, le gouvernement basque est en mesure de jouer un rôle très éminent.

            On ne le dit pas assez, le camp de concentration de Gurs fut un des principaux creusets depuis lesquels se forgèrent les premiers outils —réflexion politique, contacts pour s’organiser — qui allaient favoriser l’éclosion de la Résistance espagnole en France. Rendons hommage à tous ceux qui d’ici, à Gurs, trouvèrent la lucidité et le courage de poursuivre la lutte contre le fascisme, en France comme en Espagne. Par exemple, ici à Gurs, au « camp des aviateurs », milita Miguel Angel Sanz, futur chef d’état-major de la Agrupación de Guerrilleros Españoles (auteur du relativement connu « Luchando en tierras de Francia », paru en 1971 à Cuba) ; et au « camp basque » milita Luis Fernández, né à Bilbao, cheminot, futur général en chef de cette formation qui contribua à la libération de dizaines de départements français, notamment ceux du Sud-Ouest.

            Mais je voudrais très brièvement mettre en lumière une figure méconnue, dont nous avons trouvé la trace, l’an dernier seulement, dans les archives françaises : celle de Cecilio Arregui. Né à Bilbao, Cecilio Arregui avait 33 ans et travaillait à Madrid comme tailleur de pierres quand éclata le putsch contre la République, Engagé volontaire il commanda le bataillon « Juventud campesina » sur le front du Guadarrama et termina la guerre à l’état-major du 5e Corps d’Armée (commandé par Enrique Líster).

            Réfugié en France, il fut transféré le 15 mai 1939 du camp de concentration de  Septfonds à celui de Gurs. Il fut désigné comme chef de l’îlot D, et plus tard chef du « camp basque », en remplacement de Celestino Uriarte.  En octobre 1939, destitué par les autorités françaises du camp pour avoir pris position contre l’enrôlement des Espagnols dans les « Bataillons de Marche » ou la Légion Étrangère, il fut renvoyé à Septfonds qu’il quitta le 4 novembre 1939 pour travailler en Lot-et-Garonne.

            En 1940, 41, 42 il fut l’un des principaux responsables de la construction de la résistance espagnole dans la Zone Non Occupée. Début 1942, le département du Lot-et-Garonne comptait une vingtaine de comités de la Unión Nacional Española, constitués dans la perspective de la « Reconquista de España ». Le 6 juillet 1942, la police de Vichy lança un coup de filet qui conduisit, en quelques mois, à une centaine d’arrestations en Lot-et-Garonne.

            Cecilio Arregui fut l’objet d’une traque policière acharnée. Néanmoins, en septembre 1942, il réussit à traverser la ligne de démarcation pour rejoindre Bordeaux (en Zone Occupée) puis Hendaye. De là il revint... à Bilbao (!), en vue de reconstituer le Parti Communiste d’Euzkadi, alors décapité par la répression franquiste. En mars 1943 il fut arrêté. La peine de mort étant requise, il fut condamné à 30 ans de prison. Il en effectua 18. Dix huit. En 1983, il publia des mémoires : « ¡ Por rojo ! », bien difficiles à trouver dans les bibliothèques d’Espagne ou même d’Euzkadi. Cecilio Arregui, le tailleur de pierre de Bilbao, officier de la République espagnole, chef du camp basque de Gurs, un artisan majeur de la Résistance espagnole en France et encore de a Résistance en Espagne, fut un authentique héros. Il mérite toute notre reconnaissance, des deux côtés des Pyrénées.

Henri Farreny, Professeur des Universités, Toulouse

Lectures recommandées :

·        Dans « Rouges — Maquis de France et d’Espagne — Les guérilleros », Atlantica, avril 2006 (Actes du colloque de l’Université de Pau qui a eu lieu en octobre 2005, sous la direction de Jean Ortiz) :

     « Juillet 1942 en Lot-et-Garonne, l’affaire Reconquista de España», Charles et Henri Farreny, p. 105-152

    « Les mémoires du général Luis Fernández », Fabien Garrido, p. 193-210.

·        « ¡ Por rojo ! : memorias », à compte d’auteur : Cecilio Arregui, ISBN 84-7547-020-3, 1983.